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Articles, interviews et portraits d'acteurs publics inspirants

Antoine Brachet est Directeur associé de bluenove etinitiateur du mouvement #BrightMirror. Nous sommes allés à sa rencontre pour vous faire découvrir son parcours et sa vision de l'innovation publique.

« L’expression citoyenne est une boussole pour l’innovation publique. »

Antoine Brachet est Directeur associé de bluenove et initiateur du mouvement #BrightMirror. Nous sommes allés à sa rencontre pour vous faire découvrir son parcours et sa vision de l’innovation publique.

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SON PARCOURS 

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🔑  Les moments clefs de votre parcours ?

Deux trajectoires se sont croisées dans mon parcours pour m’amener aujourd’hui chez Bluenove. Il y a la trajectoire du “bon élève” : formation en école de commerce, premiers jobs en cabinet de conseil puis évolution sur des postes de direction en stratégies. 

En parallèle, une forme de “curiosité maladive” m’a engagé sur de nombreux projets pour questionner le monde. D’abord l’animation du Think Tank de prospective “Futurbulences” puis la création du mouvement citoyen “Les 100 barbares” dont le manifeste “Les règles du jeu du monde changent, comment faire pour le garder humain ?” a permis de faire éclore plusieurs laboratoires de réflexion autour des nouveaux modes de gouvernance. En 2017, j’ai lancé la candidature d’un candidat fictif à la présidentielle: Julien Letailleur, le porte-voix d’un triple pari: celui de l’optimisme, de l’intelligence de tous et la responsabilité réciproque de chacun. Trois préalables essentiels aux mécaniques d’engagement.

🔎  Vos missions actuelles ?

Je suis directeur associé chez bluenove, une société de conseil et de technologie pionnière en intelligence collective et activement engagée dans la civic tech. La vision de bluenove s’oriente vers l’accompagnement des grandes organisations, privées et publiques, françaises et internationales, qui souhaitent proposer un paradigme nouveau de leadership et de performance en s’appuyant sur des méthodes et des technologies d’intelligence collective. Je crois beaucoup à la phrase de John Dewey : ”Democracy begins in conversation” (La démocratie commence dans la conversation).

La démocratie commence dans la conversation.

En effet, notre métier consiste à créer, architecturer et analyser des conversations de grande ampleur et sur différents sujets. Nous organisons des débats et des consultations citoyennes comme récemment “Habiter la France de demain” lancée pour amplifier les projets vertueux qui répondent aux défis identifiés par les experts (sobriété, inclusion, résilience, productivité) de la ville et des territoires de demain : quelles controverses ? Comment les résoudre ? Nous aidons par ailleurs les organisations publiques et privées à définir leur raison d’être, à se transformer, à innover ou encore à définir leur feuille de route RSE (Responsabilité sociétale des entreprises).

✊ Ce dont vous êtes fier ?

Face aux grands enjeux stratégiques et sociétaux, nous avons prouvé et nous en sommes très fiers, qu’en mettant en relation à grande échelle les intelligences humaines, nous arrivons à de meilleurs résultats pour accélérer la prise de décision des organisations. À rebours des idées théoriques projetées, les points de vue et les solutions qui émergent de l’expression citoyenne sont plus proches du terrain et plus en adéquation avec le réel. 

Les solutions qui émergent de l’expression citoyenne sont plus proches du terrain et plus en adéquation avec le réel. 

D’autant plus que la participation permet de renforcer l’engagement des parties prenantes, qu’ils soient citoyens, clients, partenaires ou collaborateurs. A titre d’exemple, la transformation de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN) menée en concertation avec l’ensemble des agents a permis la définition d’une boussole collective, et l’engagement de chacun dans les missions d’aide à la transformation écologique portées par cette direction d’administration centrale.

💪 Un moment fort ?

Le Grand Débat National, une expérience inédite qui préfigure de nouvelles modalités de création d’un dialogue démocratique susceptibles d’optimiser les décisions prises par l’Etat. Au-delà de son point de sortie, le Grand Débat nous a permis de stabiliser des intuitions méthodologiques que l’on continue de faire croître depuis. Lorsqu’on arrive à regrouper un corpus de cette envergure (380 000 pages numérisées, 710 000 idées aboutissant à un référentiel de 604 propositions,  Nous avons pu définir un cadre d’intention de ce que les Français attendent. De la parole des citoyens émerge ainsi un consensus s’articulant autour de 3 valeurs cardinales représentant le socle commun des contributions : citoyenneté, proximité, solidarité. Un cadre sans doute utile pour répondre aux défis que nous pose le 21ème siècle. Et pourquoi pas un contre modèle à la Chine et aux Etats Unis venu d’Europe, issu d’une démocratie modernisée ? Cette base de données citoyenne est encore aujourd’hui un “trésor national”, pour reprendre les mots d’une des  garantes du grand débat, Mme Falque-Perrotin, pourvu que l’on s’en serve à bon escient. 

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SA VISION DU SERVICE PUBLIC

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⚡️ Une conviction ?

Nous vivons une époque à la fois dangereuse et formidable. Les parties prenantes avec lesquelles je travaille ont des attributions, des zones d’intérêt et des missions très  différentes, parfois contradictoires. Pour autant, il y a aujourd’hui une convergence de toutes les  organisations autour de l’intérêt général. 

Il y a aujourd’hui une convergence des organisations autour de l’intérêt général.

Contribue à cela, le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) qui soulève les questions de raison d’être et de performance plurielle des organisations. Nous ne nous intéressons plus seulement à la performance financière des organisations et cela crée une course à l’impact. A mon sens, cette dynamique contribue à redéfinir les modalités de l’action publique car sur ce nouvel échiquier de l’intérêt général, les uns s’inspirent des autres.

🚀 Les grands défis de demain en matière de démocratie ?

Les mécaniques d’expression citoyenne à grande échelle sont bien huilées. Nous utilisons des technologies puissantes, des algorithmes aux techniques de lexicalisation en passant par les moteurs d’indexation qui permettent de révéler les idées, les préoccupations et les intentions des citoyens. On est aujourd’hui au point de bascule où il faut passer d’une logique de sondage à une logique de mise en perspective de l’expression libre. Un des grands défis : rendre les choses immédiatement accessibles et compréhensibles. Les techniques de datavisualisation que nous utilisons (les arbres de connaissance par exemple), rendent cela possible.

👉 Quelques mots sur le collectif démocratie ouverte ?

Je m’y suis présenté en tant que coprésident en 2018 avec un sentiment d’urgence. J’en suis aujourd’hui membre du conseil. Face aux grands enjeux de demain, deux grands modèles s’affrontent : la démocratie représentative et l’autoritarisme. La démocratie représentative n’est pas suffisante. Elle entraîne une triple crise : un écart entre l’offre et la demande de service public, une inertie organisationnelle de l’Etat et une incapacité à produire un récit qui entraîne. 

Nous défendons une démocratie inclusive.

Pourtant, toutes les pièces du puzzle sont là pour passer à l’étape d’après. Démocratie ouverte, c’est une communauté d’innovateurs démocratiques dont bluenove fait partie, qui tente de les rassembler pour défendre une démocratie inclusive.

💥 Comment créer une dynamique d’innovation publique ?

Les dynamiques d’intelligence collective permettent de révéler cinq ingrédients clés : créer du dialogue, encourager l’informel, coupler la conception et l’exécution, travailler en réseaux et responsabiliser. 

Nous vivons un changement d’ère. Il est aujourd’hui possible de passer de l’Etat stratège à l’Etat en réseau. Ensuite, de faire en sorte que l’administration redonne du sens et soit une boussole pour les agents publics.  Enfin, il est crucial de libérer les énergies. Pour cela il faut bien garder en tête que chaque choix est un renoncement. Mettre en réseau c’est renoncer au monopole de l’intérêt général par la technostructure. Libérer les énergies, c’est renoncer au mythe de l’omniscience par l’obsession du chiffre.

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SES INSPIRATIONS

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💫 Une phrase inspirante ?

“Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants, mais peu d’entre elles s’en souviennent” de Antoine de Saint-Exupéry.

👀 Un livre, un podcast qui vous inspire ?

Un livre : “Leurs enfants après eux.” Le roman de Nicolas Mathieu. Ce que j’aime dans le roman, c’est qu’il crée l’émotion nécessaire pour comprendre un sujet avec ses tripes.

Un podcast : “Le code a changé” de Xavier de La Porte. 

👉 Le meilleur conseil que vous ayez reçu ?

“Prends la permission et tu t’excuseras après.” C’est très libérateur.

🎯  Votre prochain défi ?

Avec bluenove, nous avons lancé l’initiative Bright Mirror, une fiction collaborative pour remettre de l’utopie dans le futur. C’est une sorte de pied de nez à la série Black Mirror. 3000 textes ont déjà été écrits. Chaque épisode raconte l’histoire d’un avenir lumineux rédigée par un citoyen au cours d’un atelier d’écriture collective. Nous avons récolté de très nombreux récits à travers le monde, nous aimerions désormais les faire scénariser et les produire en films. Nous avons également les moyens technologiques d’interpréter ces textes, dans extraire les ingrédients qui permettront à des designers, des ingénieurs, des élus de fabriquer le monde que nous souhaitons. De rentre tangible Bright Mirror. De créer Tangible Mirror, étape suivante de cette initiative.

NB : ce lien peut  être intéressant pour en savoir +