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Mourtala Salha - Concevoir des politiques économiques

« L’administration doit se structurer de manière à mieux tirer bénéfice des profils créatifs. »

Mourtala Salha est Chef d’équipe – Entrepreneuriat à la Ville de Montréal. Nous sommes allés à sa rencontre pour vous faire découvrir son parcours, les causes qui lui tiennent à cœur et ses aspirations pour le secteur public.

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SON PARCOURS AU COEUR DE L’INNOVATION PUBLIQUE

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🔑  Les moments clefs de votre parcours ?

J’ai réalisé un bachelor en économie et sciences politiques à l’Université de Montréal puis une maîtrise en analyse des politiques économiques à l’Université Laval au Québec. Après trois années de travail, décidé d’approfondir mes compétences sur les questions publiques : je suis un ancien élève de l’École nationale d’administration (ENA). Deux moments forts de ma formation ont été mon passage à la Représentation permanente de la France auprès de l’Union Européenne et mon expérience au sein de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques. 

Ma carrière a débuté au sein du Secrétariat à la jeunesse du Gouvernement du Québec. Un bureau placé sous la responsabilité du Premier ministre qui m’a permis d’avoir une vision complète de la manière dont fonctionne la machine gouvernementale exécutive. J’ai ensuite rejoint le ministère de l’Économie et de l’Innovation où j’ai participé au lancement d’une direction générale regroupant l’ensemble de nos en faveur de l’entrepreneuriat. Nous y avons lancé des initiatives telles qu’Expo Entrepreneurs, le plus grand rassemblement d’entrepreneurs à l’échelle du Québec ainsi que des projets en Industrie 4.0. Au ministère, avec l’entente « Réflexe Montréal », nous avions entrepris des négociations pour octroyer davantage de pouvoirs économiques à la Ville de Montréal. En parallèle je devais suivre de nombreux projets économiques qui s’implantaient à Montréal. Cette période a marqué le début de mon intérêt pour  les questions urbaines et le climat des affaires en ville.

Voilà mon cœur de métier : la conception des politiques économiques et tout son pipeline : de l’idéalisation jusqu’à l’évaluation de ces politiques. Depuis deux ans donc, je travaille à la Ville de Montréal qui me permet ainsi de conjuguer cette expertise et ces sujets.

🔎  Vos missions ?

Depuis deux ans, j’exerce le rôle de chef d’équipe au sein de la Direction de l’entrepreneuriat de la Ville de Montréal. Mon rôle de chef d’équipe est d’appuyer l’équipe entrepreneuriat qui est chargée de sujets variés : des industries créatives et culturelles à l’accompagnement des startup, en passant par l’entreprenariat de la diversité ou l’économie sociale. Mais la pandémie a un peu changé la donne : depuis mars j’exerce surtout dans le financement des entreprises, puisque chargé de la supervision des portefeuilles financiers qui permettent à la Ville d’octroyer des prêts et des subventions pour accompagner les PME face à la crise. Je participe également aux travaux du comité responsable de coordonner les propositions pour la relance économique de Montréal.

 👉  Un projet dont vous êtes fier ?

Plus qu’un projet, ce qui me rend fier, c’est l’attitude des membres de mon équipe. Depuis presque dix mois, ils sont impliqués sans relâche dans la réponse à la crise et font face, comme dans toutes les organisations actuellement, à une gestion constante du changement. Ils travaillent avec beaucoup de résilience, de positivité et avec de puissantes idées.

Ce qui me rend fier c’est la résilience, la positivité et la puissance des idées des agents publics qui luttent sans relâche dans la gestion de la crise.

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SA VISION DU SERVICE PUBLIC

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🤔 Pourquoi le secteur public ?

La première raison, c’est que pour un économiste, le secteur public est l’endroit parfait pour saisir les enjeux sociétaux auxquels nous sommes confrontés. Le deuxième élément c’est l’envie d’exercer un métier dans lequel je serais capable d’explorer plusieurs sujets différents au cours d’une même journée : aborder les enjeux de transport et logistique pour les PME le matin, et pourquoi pas évoquer la décontamination des sols dans l’après-midi. Ce qui m’intéresse c’est la dextérité intellectuelle que cela implique. 

Ce qui m’intéresse c’est la diversité des missions offertes par le secteur public et la dextérité intellectuelle que cela implique.

Par cette variété de sujets le secteur public permet de développer une vision 360° des problématiques de notre société et des solutions. Enfin, j’ai toujours eu une passion pour les relations internationales. L’engagement dans la fonction publique c’était la manière la plus naturelle pour moi d’être confronté à ces questions-là. 

💚 Les causes qui vous tiennent à cœur ?

En premier lieu tout ce qui touche à la consolidation de la paix m’interpelle particulièrement.. Je suis convaincu que l’on peut vivre dans un monde exsangue de violence et de guerre. C’est une question qui me préoccupe beaucoup. Plus encore parce que la violence est en train de devenir un phénomène essentiellement urbain. Ensuite, la lutte contre la pauvreté et de manière plus précise, la lutte contre la faim. Nous disposons des moyens pour éradiquer la faim dans le monde et pouvons le faire.

✊ Vos engagements ?

Je suis engagé dans la maison de l’Afrique à Montréal : c’est un espace culturel unique, au cœur de la Ville. Il y a six ans, nous avons lancé avec sa fondatrice le projet « Africa Web Festival » un rassemblement pour promouvoir l’innovation et l’entrepreneuriat chez les jeunes. C’est l’un des plus gros rassemblements en Afrique dans ce domaine-là. Je suis responsable du comité éditorial et chaque année je prends plaisir à initier des projets qui touchent les défis urbains auxquels fait face l’Afrique.

⚡️ Comment créer une dynamique d’innovation ?

Cest une question difficile, car la notion dinnovation varie dune personne à une autre et évolue rapidement dans le temps. Mais un pilier important de linnovation, cest la créativité. Nous sommes tous créatifs. Ce qui est plus difficile cest davoir une organisation créative. Un des leviers cest la diversité. Pour stimuler la créativité il faut promouvoir la diversité sous toutes ses formes : léquilibre entre les hommes et les femmes, entre les différentes origines sociales, mais aussi entre compétences et personnes de cultures professionnelles différentes. Il est difficile davoir un regard constant sur les évolutions de notre secteurJencouragerai les organisations publiques à développer de manière récurrente des relations avec dautres nations pour challenger leurs pratiques et identifier des innovations inspirantes. Enfin, impliquer les citoyens au niveau local. La démocratie ne sexerce pas quau moment du vote, elle peut sexercer tous les jours en s’impliquant dans une cause locale

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SES INSPIRATIONS

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☁️ Votre mantra ?

Pour m’aider à garder le focus sur le long terme, il y a un mantra qui m’anime et que j’aime bien. Il est issu de la BhagavadGita : « Tu as droit à l’action, mais seulement à l’action et jamais à ses fruits ; que les fruits de tes actions ne soient point ton mobile ; et pourtant, ne permets en toi aucun attachement à l’inaction. »

💫 Une lecture qui vous inspire ?

Le livre que je recommande cest celui qui ma encouragé à lire la Gîtâ. Cest le livre de Gandhi  : « Autobiographie ou mes expériences de vérité. » Cest un livre très puissant où Gandhi se livre et montre à quel point la découverte intérieure dun individu est une construction qui prend du temps. Il montre également à quel point il y a un lien profond entre notre intérieur et les luttes que nous menons à lextérieur, les causes que nous défendons ainsi que l’importance de la dévotion. Jencourage tous les fonctionnaires à lire ce livre, car il est particulièrement inspirant pour les métiers que nous faisons. 

👉 Le meilleur conseil qu’on vous ait donné ?

Cest un conseil que jai reçu en dehors de la sphère professionnelle. Cest un cousin qui me la confié et qui lavait lui-même reçu de son père : « Ne prends jamais de décisions sur le coup des émotions. » Cest particulièrement vrai dans des environnements où lon interagit énormément avec les autres et où les enjeux peuvent être conséquents. Il y a un flux déchanges et d’émotions qui se crée entre les individus de manière constante et souvent pour prendre des décisions éclairées, il faut prendre du recul.  

👉 Un vœu pour le secteur public de demain ?

Mon premier vœu va aux managers : ce sont eux qui dessinent la fonction publique de demain. Je les encourage à développer quatre compétences : l’écoute, la vision, le détachement et la bienveillance. Ces qualités me semblent essentielles lorsqu’on a sous sa responsabilité de nombreuses personnes. De manière plus globale, je crois que l’administration doit maintenir une dose de permanence et de stabilité, car l’État est le socle et la base de nos valeurs communes. Enfin, le vœu qui m’importe le plus : la dignité. Je trouve qu’on devrait systématiquement se demander en quoi une loi ou un projet préservent ou consolident la dignité des personnes. L’État doit sans relâche se préoccuper de la dignité de la personne humaine. Si nous sommes capables de préserver la dignité des personnes, alors nous serons plus enclins à lutter contre la pauvreté, la faim et à consolider la paix.