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Enrichir son parcours à l’international

Enrichir son parcours à l’international

Aujourd’hui nous allons à la rencontre de Yannick Lechevallier, Directeur général de l’Agence du Monde Commun dont l’ambition est d’accompagner les engagements locaux, notamment ceux des collectivités, pour favoriser l’ouverture à l’Autre et impulser une pratique positive de la Mondialisation.

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S’ENGAGER À L’INTERNTIONAL 

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👉 Votre parcours en quelques mots ?

J’ai baigné dans le secteur humanitaire grâce à mes parents. Convaincu que face aux maux du monde, nous avons une responsabilité occidentale, j’ai commencé ma vie professionnelle dans les organisations non gouvernementales (ONG) sur les thématiques de l’éducation à la solidarité puis j’ai découvert la coopération décentralisée. Il y a tout juste 20 ans, j’ai créé ma société, l’Agence du Monde Commun (anciennement Agence Coopdec Conseil – ACDC) qui se consacre à l’accompagnement des collectivités dans leur cheminement pour l’internationalisation de leur territoire. Ces dernières années, je me suis beaucoup intéressé à la notion des communs.

🎯 Vos missions actuelles ?

Fondateur et directeur général de l’Agence, j’assure des missions de formation, d’évaluation et de conseil en stratégie internationale et d’appui aux acteurs locaux. Les collectivités françaises n’ont peut-être pas les mêmes moyens que les collectivités tunisiennes ou malgaches mais elles sont confrontées à des enjeux similaires, de citoyenneté, de démocratie ou encore de réchauffement climatique. Mon défi : aider les collectivités à collaborer ensemble au niveau international pour inventer des procédures de développement local mutuellement avantageuses.

3 bonnes raisons de faire une mobilité internationale ?

Lorsqu’on part en mission à l’international, on expérimente d’autres rapports professionnels qui vont nous interpeller. Dans le secteur public, les collaborateurs sont souvent passionnés par leur territoire. Quand ils sont à l’étranger, ils observent des initiatives et des pratiques qu’ils pourront ensuite ramener chez eux. La mobilité, c’est une expérience éminemment inspirante !

La mobilité, c’est une expérience éminemment inspirante ! 

Si l’on prend les statistiques de l’Union Européenne, au moins 30% des jeunes doivent vivre une expérience internationale. A chaque fois, ils en parlent comme une expérience marquante de leur parcours. En ce sens, les collectivités qui proposent des mobilités internationales sont très attractives aux yeux des jeunes. Je suis convaincu que partout où les collectivités proposent un parcours de mobilité internationale, elles y gagnent en matière d’attractivité RH et d’innovation publique.

Partout où les collectivités proposent un parcours de mobilité internationale, elles y gagnent en matière d’attractivité RH et d’innovation publique.

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UN TERRAIN D’EXPERIENCES 

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🎨 Les dispositifs existants ?

En fonction des envies, différentes opportunités sont possibles.

Dans le cadre des jumelages, la collectivité peut proposer des missions voire des postes mutualisés. On peut ainsi partir en gardant un pied dans son organisation d’origine. Je connais, par exemple, une jeune collaboratrice territoriale qui s’est mise à disposition pendant 6 mois pour partir travailler à mi-temps dans une collectivité canadienne tout en développant un plan “Natura 2000” pour sa collectivité française. Avec la visioconférence, le champ des possibles est très vaste. 

Quand on est fonctionnaire (titulaire d’un concours), la mise en disponibilité permet de cesser temporairement son activité dans la fonction publique pour exercer une mission à l’étranger dans une organisation internationale ou une ONG Vous pouvez aussi partir quelques mois ou quelques années découvrir le pays et trouver un emploi sur place (dans une librairie, une chambre de commerce ou une YMCA). On peut également faire un “détachement” (de 6 mois à 5 ans) pour réaliser une mission, par exemple dans le cadre du réseau diplomatique du ministère des affaires étrangères.  Et l’avantage exceptionnel pour les fonctionnaires territoriaux est d’être réintégré dans votre  institution en rentrant en France: il y a peu de risques d’être sans emploi comme de nombreux anciens expatriés du privé.

Avec le statut d’auto-entrepreneur, on peut aussi effectuer des missions ponctuelles ou des missions de prestation lors d’un cumul d’activités. L’expertise francophone est particulièrement recherchée au plan international..

👉 Les bénéfices ?

La mobilité internationale n’est pas une parenthèse dans un parcours. C’est un un processus d’élargissement de ses compétences, un accélérateur d’apprentissages. A l’étranger, on observe et on expérimente d’autres modes de faire, d’autres cultures de travail et d’autres styles de management. 

Tester ici ce que l’on a observé ailleurs, c’est un véritable levier d’innovation publique !

Alors, forcément, quand on rentre en France, on porte un regard neuf sur son travail. On est davantage force de proposition et on a envie d’impulser de nouveaux projets. Tester ici ce que l’on a observé ailleurs, c’est un véritable levier d’innovation publique ! Cette expérience devrait être considérée par les RH des collectivités comme un coup de boost pour les carrières.

💪 Les difficultés rencontrées ?

Tout n’est pas rose ! Partir travailler à l’étranger, c’est un choix qui doit être mûrement réfléchi, d’un point de vue professionnel et d’un point de vue personnel. Dans sa sphère familiale, c’est important de bien en discuter avant et d’être alignés. Notamment quand on envisage de faire une expatriation de longue durée. Dans le domaine des métiers consulaires, il y a 70% de divorces. Les conséquences peuvent être lourdes. Il faut être vigilant vis-à-vis de son contexte personnel.

 👉 Quels types d’organisations ?

Les environnements de travail sont très variés. En rejoignant le réseau du ministère des affaires étrangères, on reste sur un environnement institutionnel français. On peut se retrouver à la tête d’un Institut français, manager une vingtaine de personnes, organiser une rencontre avec la ministre de la Culture locale le matin et débugger un ordinateur l’après-midi. A l’étranger, on n’a pas les mêmes moyens qu’en France. On peut aussi rejoindre une organisation non gouvernementale (ONG) et piloter un budget à plusieurs millions d’euros. En partant dans l’hémisphère sud, on apprend la débrouille. Si on part au Canada, on découvre une autre culture de travail où l’on éteint son ordinateur à 17h et où les réunions ne débordent pas.

Lorsqu’on part avec sa famille, on peut mettre ses enfants dans des écoles montessori au Mexique alors que dans les quartiers peu sécurisés de Rio de Janeiro ou du Burkina Faso il faut les déposer dans des voitures avec gardes. Le plus important c’est de faire un travail sur soi en amont pour identifier ses envies. Après, tout est possible.

👀 Les compétences développées ?

L’agilité, la capacité d’adaptation, le dynamisme et le management bienveillant.

🙏 Un conseil pour les managers publics ?

Il y a une question que les managers publics doivent se poser : pourquoi le nomade territorial est-il vu comme un traître ? On ne peut pas innover si on se contente d’aller une fois par an au Salon des maires. On ne peut pas innover si on ne se saisit pas de la plus-value des expériences internationales. 

On ne peut pas innover si on ne se saisit pas de la plus-value des expériences internationales.

C’est dommage que lorsqu’un collaborateur rentre d’un an en Chine, la seule chose qu’on lui demande c’est s’il a mangé du chien. Questionnons-les, organisons des cafés-témoignages, soyons curieux !

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INSPIRATION

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🌍 Où trouver une mission ?

Le service relations internationales des organisations est l’interlocuteur privilégié. Dans les villes françaises, il existe de nombreux accords de jumelage et de coopération. Il y a donc de nombreuses opportunités à saisir dans les collectivités. On peut également se rendre sur l’application Transparence à partir de laquelle on peut prendre connaissance des postes internationaux proposés par le ministère des affaires étrangères. Le site expertise Expertise France propose également des missions à l’international. Il existe aussi le volontariat international en administration (VIA) qui permet à des jeunes de 18 à 28 ans d’effectuer un service civique pour des services de l’État français à l’étranger (Consulats, Ambassades, Services et missions économiques français à l’étranger ou Services de coopération et d’action culturelle). Il y a aussi le site France-volontaire qui propose des missions de volontariat international.

💡 Un média inspirant sur le sujet ?

Avec Emmanuel Thouary de l’Institut national des études territoriales (INET), depuis trois ans, nous avons créé un bouquet de ressources. Les agents publics inscrits au Centre National de la Fonction Publique Territoriale (CNFPT) peuvent y accéder. Nous développons également des webinaires pour présenter ce qu’est la mobilité internationale, où l’on candidate, comment on vit sur place et comment on prépare son retour. Et rendez-vous sur le site oci-expart.org pour découvrir le portrait de celles et ceux qui se sont lancés dans l’aventure ! Avec ce réseau, nous commençons à organiser des cafés-expats dans certaines villes.

🤸🏼 Un conseil pour ceux qui veulent sauter le pas ?

Le meilleur conseil : si vous avez envie de partir, partez ! Mais si vous sautez le pas, veillez à bien réfléchir à votre projet professionnel et familial. Un collègue consultant dit souvent “La meilleure manière de réussir son retour c’est de ne pas revenir”. Je suis persuadé que la fonction publique territoriale est un bien meilleur espace pour éviter un retour  difficile que le privé. Il faut  simplement s’y préparer ensemble (agent et employeur) pour tirer toute la plus-value de cette expérience.